27 avril 2013

Difficultés d'intégration : la place des femmes.

Le constat de la surreprésentation massive des personnes "issues de l’immigration" dans les populations de l'hébergement d’urgence, m’a conduit à m’interroger sur les spécificités des difficultés qui conduisent ces populations à solliciter plus que d'autres cette aide d’urgence. Ce qui se dégage de cette observation c’est que, au-delà de l’exposition particulièrement forte au chômage, et donc aux problématiques de pauvreté/précarité et de désaffiliation qui en découlent, ce sont aussi des difficultés liées à la structure familiale qui sont à l'origine de cette situation. Structure familiale qui sans doute cohérente avec les traditions et mode de vie des pays d'origine, se fragilise au contact des normes actuelles des sociétés modernes européennes.
Ce qui est en question c'est l'archaïsme des relations hommes/femmes qui donne aux hommes et aux garçons un pouvoir dominant sur des femmes et filles qui doivent se soumettre à leur obéissance, parfois privées de libertés de choix et contenues à des rôles domestiques.
Et l'on retrouve donc dans les circuits de l'hébergement d'urgence et d'insertion nombre de femmes et mères, parfois victimes de violences, pas du tout préparées à occuper une place d’autorité et de responsabilité que ni leur culture, ni leur éducation, ni leur environnement familial, social et religieux ne leur reconnaît. C'est l'exemple caricatural de ces femmes que les hommes vont chercher "au bled", femmes fantômes, femmes "éternelles mineures", victimes parfois de  "mariages forcés", aucunement préparées à une autonomie et qui se révèlent très vite dépassées, lorsque une séparation survient, par les responsabilités de "mère célibataire" auxquelles rien ne les a préparés. Les services sociaux peuvent alors intervenir pour permettre un accompagnement éducatif à moyen terme pour les soutenir dans l'apprentissage d'une autonomie tant morale que matérielle. Il s'agit bien souvent de les aider à s'autoriser des choix de vie personnels, à refuser la soumission et la violence, à s'affirmer socialement à l'extérieur du domicile, à apprendre les us-et-coutumes du fonctionnement d'une société moderne, à les aider dans l'exercice de la parentalité. Cheminement long et difficile.

Mais sans aller forcément jusqu'à ces cas extrêmes, c'est aussi le constat des conséquences de cette place "secondaire" des femmes notamment sur les jeunes adolescents et adultes mâles qui parfois ne reconnaissent pas l'autorité de leur mère, et qui en l'absence de l’autorité du père, qu'il soit absent ou défaillant, se retrouvent dans une place sans cadre d'autorité, qui contribue au développement de positionnements de "toute puissance", de volonté de satisfaction immédiate des désirs, que l’on retrouve, là aussi en masse, dans les écoles, les collèges, dans tous les espaces sociaux et chez beaucoup de jeunes adultes accueillis en hébergement d'urgence.

C'est aussi la problématique des filles et des soeurs qui sont parfois victimes de violences intrafamiliales ou intracommunautaires lorsqu'elles sortent du cadre d'obéissance et de soumission à la volonté des hommes qui règne dans nombre de familles.

Il est cependant important de remarquer que cette problématique de la place des femmes n'est pas une spécificité de la culture et de la religion musulmane, et que, il y a quelques dizaines d'années de cela seulement, ces mêmes phénomènes de soumission, d'obéissance, de confinement à des rôles domestiques et d'éducation, de mariages forcés, ont concerné les femmes européennes avec l'appui des églises chrétiennes. En fait, il apparaît que cette structure familiale qui enferme les sexes dans des rôles contraints est plus en relation avec le degré de développement économique et démocratique d'une société donnée et à un moment donné de son histoire, que le résultat de quelconques traditions religieuses. Celles-ci se sont toutes coulées à un moment ou à un autre de leur histoire dans le soutien de l'obscurantisme le plus total, ou dans celui de l'épanouissement individuel de chacun, en fonction du dessein particulier des structures de pouvoir et de la maturité psychologique de l'époque.

Toujours est-il que ce qui est constaté, c'est que le poids des pratiques traditionnelles perdurent longtemps à travers les générations malgré la confrontation avec des pratiques plus évoluées, et qu'elles pèsent sur le fonctionnement de la société à travers des phénomènes malheureusement peu analysés, compris et pris en considération. 
L'un des principaux leviers pour faire évoluer cette situation a été récemment mis en lumière dans la publication récente de David Pujadas et Hassen Chalghoumi "Agissons avant qu'il ne soit trop tard, le défi d'un imam". Ce qui est dit dans ce livre c'est que la plupart des imams qui exercent en France viennent de l'étranger, du Maroc et de l'Algérie notamment. Qu'ils sont donc imprégnés des pratiques et valeurs archaïques existantes dans ces pays et qu'il serait souhaitable que la France forme ses propres imams pour soutenir une pratique de l'islam respectueuse des valeurs de la France et qui aide les familles à évoluer vers une approche plus équilibrée des relations hommes/femmes.
En attendant, la confluence entre l'obscurantisme de certaines traditions très agissantes et les frustrations de la désaffiliation, de la précarité et du chômage, conduisent à des pratiques violentes qui exacerbent dangereusement les tensions entre les communautés. Il y aurait donc urgence à livrer un message éclairant et à lancer les fondations d'un véritable islam de France qui contribue à l’évolution des structures familiales. 
Christian Chevalier

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