Motivations


"Pourquoi ça ne marche pas ? Où est l’erreur ? Son corps bouillonne de l’information non traitée. Pour lui, la Meute a été blessée et elle ne s’en est même pas aperçue. Or le stimulus de douleur, c’est lui. C’est donc lui qui doit faire réagir la Cité."
                                                                                                  Bernard WERBER « Les Fourmis »


En m’engageant dans l’insertion par l’activité économique, dans la création d'une Maison des Chômeurs, dans l’accompagnement de longue durée de publics en grande difficulté, enfin dans l’hébergement d’urgence, j’ai côtoyé pendant 20 ans des populations fragiles.
Ces populations font pour moi symptôme de ce qui ne va pas chez nous et dans le monde. Les programmes des uns et des autres pour tenter au fil du temps de leur venir en aide - mais qui n'ont jamais réussi à inverser durablement les choses - en disent long sur les erreurs d'appréciation et d'analyse des gens de bonne volonté, ou sur le cynisme de ceux qui considèrent que les personnes concernées sont les seules responsables de ce qui leur arrive et qu'il leur appartient en conséquence de trouver par elle même les moyens de sortir de leur condition.

Pour ma part je considère que l'humain en l'homme est justement ce qui devrait nous amener à ne pas nous abandonner sans retenues aux pulsions animales de possession et domination, cette avidité brutale qui conduit régulièrement des pans entiers de l'humanité vers des chaos d'infinies destructions. Il ne s'agit pas, bien au contraire, de renoncer à notre part animale comme le prônent la plupart des institutions religieuses qui en exerçant de puissantes pressions morales pour que l'on ressemble aux modèles divins, contribuent à provoquer d'immenses ravages de par l'expression détournée des pulsions refoulées qu'elles engendrent. La place des femmes dans bien des pays du globe en dit long sur le chemin qu'il reste à faire sur ce terrain là. Humaniser la part animale en nous demande au contraire à trouver les moyens d'une expression saine et naturelle de ces pulsions animales en générales et sexuelles en particulier, dans un partage entre adultes consentants - et cela est essentiel -, ce qui du coup éviterait de rechercher des compensations à nos frustrations dans le surdéveloppement des recherches de pouvoirs et accumulations de richesses qui sont une nouvelle fois en train de conduire l'humanité vers un chaos épouvantable.

C'est pourquoi la violence faite aux femmes, aux enfants, aux minorités, aux populations des pays pauvres, les comportements de domination, de pillage, l'accroissement des inégalités, l'accumulation indécente des richesses font symptômes d'une humanité en l'homme qui se cherche, d'une humanité en l'homme en bien mauvaise posture. Il faut rappeler Simone de Beauvoir "On ne naît pas homme, on le devient", pour bien voir que malgré l'immensité des progrès techniques, scientifiques, malgré l'immensité des talents et du génie créatif des hommes, malgré l'immensité et la puissance des moyens dont nous disposons, cet essentiel du "métier d'homme" apparaît dans un état étonnamment primitif en comparaison, un délabrement qui menace l'existence même de la planète qui nous accueille.

L'humanité en l'homme est ce qui devrait nous mobiliser prioritairement dans le soutien des plus faibles, dans l'assistance aux personnes abîmées par la vie, dans une coopération globale pour le maintien des grands équilibres écologiques, économiques et humains, rien ne me fera dévier sur ce point.

On me dit "explorateur de l'âme", puisse mon parcours décalé de chercheur de sens, éclairer et ordonner pour quelques uns cette complexité dans laquelle nous nous débattons.
Christian Chevalier



"En tous cas, ce qu’on ne peut ôter, c’est l’effroyable côté négatif du monde comme il va.


Tristesse. Mais pas seulement. Car nous avons d’immenses moyens ; nous avons créé, nous créons d`immenses possibilités. Il y a de quoi vivre, et pour tous. Et par vivre, j’entends humainement vivre : la nourriture, le logis, le vêtement, les soins, l’éducation, l’amour et l`amitié des proches, une place dans la société, l’occasion offerte de déployer ses dons. Le pain et la dignité, en toutes les formes de la dignité.

C'est possible. C'est techniquement possible. Si c'est manqué, ce n’est pas par fatalité. C'est le fait des humains.  C'est qu’ils ne veulent pas ou qu’ils veulent le contraire. Aucune explication, aucune invocation de telles ou telles  « lois » ne nous fera reculer là-dessus : pour l'essentiel, la détresse présente et les menaces qu’elle accumule ont pour cause l'absence de courage ou d’imagination ou de qualité humaine, morale, spirituelle des hommes et des femmes de ce monde-ci ; avec une charge particulière pour ceux qui y disposent de quelque pouvoir".

Maurice BELLET, Le Sauvage Indigné, 1998

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