Il aura fallu un séisme financier
d’une ampleur inégalée pour enfin nous rendre compte des conséquences des
dérégulations initiées sous l’ère Thatcher/Reagan et poursuivies depuis par les
politiques de tous bords. Croire comme ils ont pu le faire à la vertu des
capitaines de l'entrepreneuriat, des fonceurs et des ambitieux, c’est faire fi des
réalités de la nature humaine dont les appétits sans cadres et sans barrières
ont eut tôt fait d’entraîner toute la planète vers des hauteurs sans limites où
les rayons du soleil finissent toujours par nous brûler les ailes.
Certes ils se sont considérablement
enrichis, faisant retomber sur l’économie réelle une part non négligeable de
leurs pillages, arrosant largement leurs vassaux, mais ils n’ont pas hésité un
seul instant à laisser crever les surnuméraires, les faibles, les
inintéressants, les empêcheurs de profiter en rond, à enfermer les abandonnés
du travail devenus déviants dans leur propre course à l’argent facile, à amuser
le peuple par des mensonges, des lâchers de pognon, à utiliser l’intimidation, la
corruption, la force, l’élimination, la guerre même pour atteindre leurs
objectifs de profits sans limites.
Ils n’ont pas hésité à faire tomber
toutes les barrières pour recycler jusqu’à l’argent sale des mafias (ah la
belle opacité des paradis fiscaux, des secrets bancaires, des trusts), pour
pouvoir exploiter le gaz de schiste au mépris de l’environnement et des
populations. Ils ont fait en sorte que puissent être pillées par toutes sortes
de prédateurs locaux les cendres de l’ex-URSS et autres pays de l’Est.
Ils ont triomphé avec
l’administration Bush (Georges, le fils) ! Jamais peut être on avait vu
auparavant un tel mélange de pouvoirs corrompus, de conflits d’intérêts, de
rassemblements de prédateurs, d’immoralités carnassières, de mensonges
institutionnels et – cerise sur le gâteau -
avec "Dieu à leur côté" ! Ils ont utilisé la puissance
économique et militaire de leur pays pour piller encore plus ce qui pouvait
l’être, derrière la bannière simpliste de « ce qui est bon pour l’Amérique
(comprendre pour eux-mêmes) est bon pour le monde » ! Le triomphe des
médiocres, mais aux appétits bien aiguisés et qui se sont bien servis sur
la bête, conduisant tout le système à son paroxysme prédateur !
Ils ont tissés des liens très opaques
entre les mondes de l’argent, du pouvoir, du crime organisé qui en a profité au
passage pour gagner en honorabilité et avoir pignon sur rue.
Ils ont fait et font toujours les
beaux jours de Manhattan, de la City, de la Suisse et du Luxembourg, de Monaco
et de quelques autres paradis fiscaux, de l’industrie du luxe, de la Côte
d’azur, des stations de ski… et de tous ceux, très nombreux, qui profitent des
retombées de ce flot d’argent blanc, gris ou noir.
Mais surtout ils nous ont tous
entraîné dans cette folie, car il faut bien le reconnaître, à part la frange de
laissés pour compte qui en plus ne votent quasiment pas, nous avons tous gagné une
petite part de richesse supplémentaire à ce petit jeu là.
Alors, après le séisme et au moment
où commencent à poindre les premières tentatives de reprendre la main, le bilan
est terrible :
·
Des pauvres toujours plus pauvres,
enfoncés dans la déprime de l’inutilité au monde voir de l’accusation de
complaisance envers eux-mêmes, qui n’ont aucune chance de se faire entendre face
à l’hyper puissance financière et militaro-industrielle.
·
Des prisons particulièrement aux
Etats-Unis qui détruisent toute une classe de population dont le premier crime
est d’abord d’être surnuméraire par rapport aux possibilités de travail et
ensuite d’avoir choisi eux-aussi des voies d’argent faciles (mais l’exemple ne vient-il
pas d’en haut à l’image du monde de la finance qui réalise le casse du
siècle sans avoir à rendre l’argent ?).
·
Une humanité considérée essentiellement
comme une cible consumériste, en fermant les yeux sur les ravages de l’obésité
physique et morale dont se lavent les mains les industries et commerces qui la
provoque
·
Une terre exsangue, où le pillage des
ressources et le gaspillage atteignent des niveaux de destruction quasi
irréversibles, où nous puisons de plus en plus dans les réserves normalement
dévolues aux générations futures, où la pollution entraine des effets
dévastateurs de grande échelle.
·
Une planète dont de nombreuses
régions sont à feu et à sang sous l’emprise d’immenses déséquilibres, livrés au
pillage des prédateurs, où l’hyper puissance militaire américaine impose sa loi
sans vergogne, celle de la défense de la primauté de ses privilèges, en faisant
fi de la temporalité des besoins d’évolution de régions et populations en grand
retard de développement, fabricant dans une violence extrême des générations de
terroristes parmi les écartés du banquet.
Le bal des vautours est-il pour
autant terminé ? On doit s’en inquiéter avec vigilance. Certes des sanctions
commencent à tomber, des réglementations sont dans les tuyaux, le secret
bancaire suisse à du plomb dans l’aile, mais les responsables et bénéficiaires du
désastre continuent à profiter de l’argent pillé et il n’est pas sur qu’ils
soient inquiétés, les lobbys sont toujours en place pour freiner, empêcher,
reporter les projets d’évolution en cours, ils peuvent compter sur une partie des
tenants du pouvoir issus du même monde et qui feront tout pour maintenir leurs
privilèges. Qui également demandera réparation fusse t’elle symbolique à la
clique Georges Bush et à l’ensemble de ceux qui se sont gavés dans tous ces
systèmes de pillage organisé, et qui ont des morts indirects nombreux, sur la
conscience ?
Surtout, la philosophie dominante est
certes ébranlée mais toujours relayée avec puissance : le profit, l’argent,
la croissance avant tout le reste. On y voudrait un peu plus de régulation, un
peu d’éthique, mais pas y perdre ces flots d’argents qui irriguent en
profondeur toutes nos économies et dont chacun perçoit une part de dividende. C’est
que revoir cela, rejeter et combattre l’argent sale, freiner les circuits
occultes, revoir la part et la place de chacun, se préoccuper des autres et de
la planète, ce n’est pas seulement rogner quelques privilèges, étêter quelques
branches, non, revoir ce système c’est aussi nous impacter, vous et moi, dans
la part qui nous revient de ce pillage, c’est aller vers plus de contrôle et de
maîtrise de nos envies, c’est tendre à une sobriété nécessaire, une autre façon
de penser le monde et notre passage d’humain mortel sur la planète. Rien de facile à cela, alors il faudra probablement encore beaucoup
de temps, de crises, de soubresauts, de prise de conscience et de volonté
citoyenne, beaucoup de morts aussi malheureusement, avant que de
tourner la page de la prédation instituée, de l’argent aveugle et des individus-consommateurs
ouverts à l’infini de leurs désirs.
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