22 novembre 2013

Vers la fin de la prédation ?

Il aura fallu un séisme financier d’une ampleur inégalée pour enfin nous rendre compte des conséquences des dérégulations initiées sous l’ère Thatcher/Reagan et poursuivies depuis par les politiques de tous bords. Croire comme ils ont pu le faire à la vertu des capitaines de l'entrepreneuriat, des fonceurs et des ambitieux, c’est faire fi des réalités de la nature humaine dont les appétits sans cadres et sans barrières ont eut tôt fait d’entraîner toute la planète vers des hauteurs sans limites où les rayons du soleil finissent toujours par nous brûler les ailes.
Certes ils se sont considérablement enrichis, faisant retomber sur l’économie réelle une part non négligeable de leurs pillages, arrosant largement leurs vassaux, mais ils n’ont pas hésité un seul instant à laisser crever les surnuméraires, les faibles, les inintéressants, les empêcheurs de profiter en rond, à enfermer les abandonnés du travail devenus déviants dans leur propre course à l’argent facile, à amuser le peuple par des mensonges, des lâchers de pognon, à utiliser l’intimidation, la corruption, la force, l’élimination, la guerre même pour atteindre leurs objectifs de profits sans limites.
Ils n’ont pas hésité à faire tomber toutes les barrières pour recycler jusqu’à l’argent sale des mafias (ah la belle opacité des paradis fiscaux, des secrets bancaires, des trusts), pour pouvoir exploiter le gaz de schiste au mépris de l’environnement et des populations. Ils ont fait en sorte que puissent être pillées par toutes sortes de prédateurs locaux les cendres de l’ex-URSS et autres pays de l’Est.
Ils ont triomphé avec l’administration Bush (Georges, le fils) ! Jamais peut être on avait vu auparavant un tel mélange de pouvoirs corrompus, de conflits d’intérêts, de rassemblements de prédateurs, d’immoralités carnassières, de mensonges institutionnels et – cerise sur le gâteau -  avec "Dieu à leur côté" ! Ils ont utilisé la puissance économique et militaire de leur pays pour piller encore plus ce qui pouvait l’être, derrière la bannière simpliste de « ce qui est bon pour l’Amérique (comprendre pour eux-mêmes) est bon pour le monde » ! Le triomphe des médiocres, mais aux appétits bien aiguisés et qui se sont bien servis sur la bête, conduisant tout le système à son paroxysme prédateur !
Ils ont tissés des liens très opaques entre les mondes de l’argent, du pouvoir, du crime organisé qui en a profité au passage pour gagner en honorabilité et avoir pignon sur rue.
Ils ont fait et font toujours les beaux jours de Manhattan, de la City, de la Suisse et du Luxembourg, de Monaco et de quelques autres paradis fiscaux, de l’industrie du luxe, de la Côte d’azur, des stations de ski… et de tous ceux, très nombreux, qui profitent des retombées de ce flot d’argent blanc, gris ou noir.
Mais surtout ils nous ont tous entraîné dans cette folie, car il faut bien le reconnaître, à part la frange de laissés pour compte qui en plus ne votent quasiment pas, nous avons tous gagné une petite part de richesse supplémentaire à ce petit jeu là.
Alors, après le séisme et au moment où commencent à poindre les premières tentatives de reprendre la main, le bilan est terrible :
·         Des pauvres toujours plus pauvres, enfoncés dans la déprime de l’inutilité au monde voir de l’accusation de complaisance envers eux-mêmes, qui n’ont aucune chance de se faire entendre face à l’hyper puissance financière et militaro-industrielle.
·         Des prisons particulièrement aux Etats-Unis qui détruisent toute une classe de population dont le premier crime est d’abord d’être surnuméraire par rapport aux possibilités de travail et ensuite d’avoir choisi eux-aussi des voies d’argent faciles (mais l’exemple ne vient-il pas d’en haut à l’image du monde de la finance qui réalise le casse du siècle sans avoir à rendre l’argent ?).
·         Une humanité considérée essentiellement comme une cible consumériste, en fermant les yeux sur les ravages de l’obésité physique et morale dont se lavent les mains les industries et commerces qui la provoque
·         Une terre exsangue, où le pillage des ressources et le gaspillage atteignent des niveaux de destruction quasi irréversibles, où nous puisons de plus en plus dans les réserves normalement dévolues aux générations futures, où la pollution entraine des effets dévastateurs de grande échelle.
·         Une planète dont de nombreuses régions sont à feu et à sang sous l’emprise d’immenses déséquilibres, livrés au pillage des prédateurs, où l’hyper puissance militaire américaine impose sa loi sans vergogne, celle de la défense de la primauté de ses privilèges, en faisant fi de la temporalité des besoins d’évolution de régions et populations en grand retard de développement, fabricant dans une violence extrême des générations de terroristes parmi les écartés du banquet.

Le bal des vautours est-il pour autant terminé ? On doit s’en inquiéter avec vigilance. Certes des sanctions commencent à tomber, des réglementations sont dans les tuyaux, le secret bancaire suisse à du plomb dans l’aile, mais les responsables et bénéficiaires du désastre continuent à profiter de l’argent pillé et il n’est pas sur qu’ils soient inquiétés, les lobbys sont toujours en place pour freiner, empêcher, reporter les projets d’évolution en cours, ils peuvent compter sur une partie des tenants du pouvoir issus du même monde et qui feront tout pour maintenir leurs privilèges. Qui également demandera réparation fusse t’elle symbolique à la clique Georges Bush et à l’ensemble de ceux qui se sont gavés dans tous ces systèmes de pillage organisé, et qui ont des morts indirects nombreux, sur la conscience ?

Surtout, la philosophie dominante est certes ébranlée mais toujours relayée avec puissance : le profit, l’argent, la croissance avant tout le reste. On y voudrait un peu plus de régulation, un peu d’éthique, mais pas y perdre ces flots d’argents qui irriguent en profondeur toutes nos économies et dont chacun perçoit une part de dividende. C’est que revoir cela, rejeter et combattre l’argent sale, freiner les circuits occultes, revoir la part et la place de chacun, se préoccuper des autres et de la planète, ce n’est pas seulement rogner quelques privilèges, étêter quelques branches, non, revoir ce système c’est aussi nous impacter, vous et moi, dans la part qui nous revient de ce pillage, c’est aller vers plus de contrôle et de maîtrise de nos envies, c’est tendre à une sobriété nécessaire, une autre façon de penser  le monde et notre passage d’humain mortel sur la planète. Rien de facile à cela, alors il faudra probablement encore beaucoup de temps, de crises, de soubresauts, de prise de conscience et de volonté citoyenne, beaucoup de morts aussi malheureusement, avant que de tourner la page de la prédation instituée, de l’argent aveugle et des individus-consommateurs ouverts à l’infini de leurs désirs. 

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