24 novembre 2013

La Suisse symbole de l’argent à tout prix

La Suisse est une terre d’asile, mais pas pour n’importe qui.
Mark Rich a obtenu la nationalité Suisse dans les années 80, ce qui lui a permis d’échapper à une condamnation à 325 ans de prison par les tribunaux américains pour fraude, commerce avec l’ennemi, corruption, évasion fiscale, en raison notamment du contournement de l’embargo à l’égard de l’Iran qui a fait sa fortune. Il a par la suite été gracié par Bill Clinton, quelques jours avant la fin de son mandat. La raison ? La grande générosité de sa femme Denise Rich dans le financement du parti démocrate ! Il y a bien eu quelques protestations et indignations, mais pas de quoi remettre en cause ce "gentlemen agreement".
Cet homme a brillamment contribué à la prospérité du canton Suisse de Zoug, devenu le centre mondial du trading de matières premières après l’installation du siège de sa compagnie Glencore, devenue la plus importante société du pays, également classée 6ème entreprise européenne en 2005. Cette compagnie  contrôlerait en 2011 environ 60 % du zinc mondial, 50 % du cuivre, 30 % de l'aluminium, 25 % du charbon, 10 % du grain et 3 % du pétrole, elle a reçu en 2008 le prix du Public Eye Awards de la multinationale la plus irresponsable.
Ses mauvaises pratiques prédatrices se sont illustrées en Zambie dans la gestion de l’industrie d’extraction du cuivre par l’utilisation de techniques désastreuses pour l’environnement s’appuyant sur l’usage massif d’acide sulfurique qui a permis en 2009 le licenciement de 3.000 personnes et provoqué en 2008 l’intoxication grave de 800 personnes.
Glencore n’a été introduite en bourse qu’en 2011 ce qui lui a permis de longtemps échapper à tout contrôle et de ne quasiment pas payer d’impôts malgré plus de 60 Milliards de dollars d’actifs.
En France également Mark Rich a mérité l’invention du terme de « patron voyou » à l’occasion de la faillite considérée comme frauduleuse de la société MetalEurope-Nord en 2003, l’un des sites les plus pollué de France, faillite ayant conduit au licenciement de 830 salariés.
Mark Rich est décédé en Suisse en juillet 2013.
Comment de pareils faits pourraient ne pas alimenter une colère voire une violence sourde, profonde, furieuse, à l’égard de tous ceux, responsables politiques, citoyens, juristes, prestataires, fournisseurs, qui bénéficient des retombées de ce système de pillage institutionnalisé dont ils se font les complices en fermant les yeux sur la manière dont ces richesses sont acquises et dissimulés aux prélèvements de redistribution.
Nos sociétés sont promptes à condamner de la plus virulente façon les laissés pour compte qui se laissent aller à "l’argent facile" du trafic de drogues notamment. Pas question de cautionner ces pratiques bien entendu, mais il serait temps de réaliser à quel point l’exemple de "l’argent facile" vient d’en haut ! Comment ne pas juger avec dureté cette "notabilité" qui a tous les atours de la respectabilité, qui vit avec opulence, mais dont les ressources dépendent grandement de cet argent gris et noir qu’ils contribuent à blanchir par des montages complexes et une opacité savamment organisée qui servent tout autant à préserver la bonne conscience des bénéficiaires qu’à protéger l’immunité de ceux qui génèrent cette manne obscure.  Comment dans ce contexte demander aux "petits" perdants qu’ils s’amendent et rentrent dans le droit chemin ?
La Suisse est l’une des championnes de cette hypocrisie là, et elle ne se grandit pas à laisser perdurer de telles pratiques. Mais nous sommes très nombreux à devoir balayer devant notre porte. Ne sommes nous pas, nous tous les natifs des pays développés, bénéficiaires de ce type de système ? Notre prospérité a longtemps reposée sur l’appropriation à vil prix de l’essentiel des matières premières de pays délabrés dont le sort des populations nous importait assez peu, et que nous avons parfois franchement massacrées. Et ce n’est que la remise en cause de ce privilège et de notre domination qui nous pousse aujourd’hui à regarder un peu plus avant ces pratiques là. Car au fond, tant que nous étions collectivement gagnants, peu nous importaient les frasques de quelques bandits pilleurs dont nous oublions bien vite les méfaits.

Mais maintenant que nous sommes aux abois, que nous sommes touchés par les méfaits de la prédation, alors se révèle progressivement (mais pas trop vite quand même) l’ampleur du monstre que notre avidité collective a engendré. Et par delà la responsabilité particulière de quelques grands dérégulateurs qui ont ouvert les dernières vannes, de quelques grands profiteurs qui ont optimisé le système, nous devrions commencer à entrevoir que tout cela n’aurait pas été possible si nous ne nous étions pas docilement et collectivement complu dans la voie d’un "toujours plus" que nous continuons à réclamer à nos responsables politiques.

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