28 novembre 2013

Ce que révèle l’affaire Léonarda sur les postures de la gauche

L’affaire Léonarda est un cas d’école pour comprendre comment on arrive en France à un incroyable empilement de ménages déboutés de la demande d’asile qui quelque part contribue au développement du Front National.
D’abord elle éclaire les conséquences des failles d’un système d’instruction des demandes d'asile qui permet à une famille usant de dissimulations grossières de sa situation administrative réelle, de bénéficier pendant quatre années de la prise en charge des institutions françaises.
Ensuite elle illustre on ne peut mieux, et cette fois-ci au plus haut niveau de l’Etat et de la représentation nationale, les incroyables empoignades émotionnelles et verbales auxquelles donnent lieu la simple application de la loi en matière de fin de séjour.
C’est exactement la même chose qui se joue au niveau local où fonctionnent à plein régime les pressions des groupes militants auprès des politiques pour empêcher la mise en application des obligations de quitter le territoire (OQTF).
Résultat : le rapport sur l’hébergement et la prise en charge des demandeurs d’asile, que l'on lira avec intérêt pour bien mesurer la complexité des enjeux et le dramatique de la situation, estime à environ 37.000 le nombre de déboutés de la demande d’asile qui se maintiennent chaque année sur le territoire… ce qui depuis 2010 représente environ 120.000 personnes entassées dans le n'importe quoi car les budgets n'arrivent pas à suivre !
Les budgets de l'hébergement explosent, la ministre du logement qui a suivi les recommandations des associations en annonçant à sa prise de fonction la pérennisation des dispositifs hivernaux et la garantie de solutions à long terme pour les bénéficiaires à mis le doigt dans un engrenage qui la dépasse puisque l'effet a été une augmentation de 30% des arrivées de demandeurs venus pour certains dans l'espoir de  bénéficier de ces engagements. Mais ses budgets ne peuvent pas suivre puisque comme nous venons de l'évoquer très peu repartent lorsqu'ils sont déboutés de leur demande et viennent grossir les besoins de prise en charge créant des tensions récurrentes dans la gestion des associations, saturant l'ensemble des structures d'accueil de jour, humanitaires etc. D'autre part, autre effet désastreux, le développement de la "débrouille de survie" légitime de la part de ménages sans droits hormis l'Aide Médicale d'Etat, mais qui fait exploser les actes de petite délinquance auxquels sont très sensibles nos concitoyens, qui devant les discours d'une classe politique minimisant ces réalités se tournent de plus en plus vers un Front National qui en fait ses choux-gras.  
Car au fond ce qui se révèle quand on creuse un peu la chose, c’est l’impensée généralisée de la question de l’immigration dans la gauche en général et au parti socialiste ou chez les verts en particulier. On se contente d’une posture morale qui semble n’être que le prolongement d’une posture traditionnelle de résistance aux conduites d'une droite autrefois colonialiste et fascisante. La lutte contre l’immigration clandestine serait un thème de droite voir d’extrême droite qu’il faut combattre au nom des grands principes républicains et humanistes, point final ! Point nécessaire donc d'aller plus loin et de se livrer à une analyse sérieuse des enjeux contemporains qui n'ont plus rien à voir avec ceux d'il y a un quart de siècle.
Par exemple et connaissant le problème Isérois je suis frappé de voir les responsables de la gauche locale se limiter dans leurs alertes à la problématique de la régionalisation, comme si la déconcentration des problèmes d’accueil et d’hébergement, c'est-à-dire leur dispersion sur un plus large territoire pouvait tenir lieu de solutions aux problèmes existants !
Au fond la sensibilité dominante de la gauche au sens large c’est "qu’on ne peux pas renvoyer de chez nous des familles fragiles, cela évoque par trop de mauvais souvenirs que l’on associe au nazisme, au fascisme, aux rafles, à Vichy, à la droite, au colonialisme… et peu importe qu’il en arrive cent ou deux cent milles, on ne peut tout simplement pas humainement parlant les renvoyer". Et il suffit de voir la violence verbale et le débordement de bons sentiments que ces sujets déclenchent pour comprendre le peu d’empressement de la plupart des politiques à sortir de cette ligne convenue.
Du coup l'affaire Léonarda est une grande première, où pour une fois un ministre résiste à la colossale pression de ses "amis", faisant preuve de beaucoup de sang-froid et pédagogie pour maintenir le cap et fragiliser les discours essentiellement émotifs et sans arguments de fond de ses détracteurs.
Il serait temps que les responsables de la gauche s’attellent à une vraie analyse de fond de la situation, pour dépasser la seule posture morale, trop distanciée des réalités du terrain qui ouvre une voie royale aux extrémistes de tout poil.
Certes la pression migratoire est colossale, tout comme la misère économique à notre porte et nous avons le devoir de nous ouvrir à l’accueil des personnes menacées dans leur intégrité. Mais sans l'existence d'un marché du travail porteur, le maintien sur le territoire des ménages déboutés de la demande d’asile par incapacité à faire respecter la loi, embolise complètement l'aide sociale par l'hébergement dédiée aux ménages du territoire dans le besoin, elle fait le lit du Front National et contribue au développement du racisme et de la violence des aigris et des médiocres.


Manuel Valls, si les vociférateurs voulaient bien le voir, représente donc une chance pour la gauche de pouvoir concilier une fermeté en prise avec les réalités du terrain et une attention au respect de la dignité humaine nécessaire à tous les niveaux de l’application de la loi en la matière. Il y a urgence car la situation est terriblement explosive.

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